Un mouvement que l’on n’enferme pas

Une lettre ouverte, signée par de  nombreux partis, organisations et personalités est parue le 8 mai dans le journal le courrier. Retrouvez ici la lettre ainsi que la liste complète des signataires (mise à jour régulièrement).

Depuis le 15 mars 2023, Jérémy*, jeune militant suisse de 23 ans, est incarcéré préventivement à la prison de ChampDollon. Il est accusé par le Ministère public genevois de divers actes de sabotages contre des engins de chantier du géant Holcim, premier producteur mondial de ciment.

Le géant Holcim

La multinationale Holcim est devenue le premier producteur de ciment mondial après son rachat de Lafarge en 2015, et endosse par là une responsabilité gigantesque dans le réchauffement climatique.

La production de ciment est une des activités les plus dévastatrices pour l’environnement : elle est non seulement la branche la plus polluante de l’industrie (1), mais participe également à près de 8% des émissions mondiales de gaz à effets de serre (2). Holcim est le plus gros pollueur de Suisse (3), et s’inscrit tristement dans le top 50 des entreprises les plus polluantes du monde (4). Mais l’entreprise ne pollue pas qu’en Suisse : elle exporte aussi l’écrasante majorité de ses émissions de CO2 dans les pays du Sud global.

Active dans une septantaine de pays, le géant du ciment a produit hors de Suisse plus de 120 millions de tonnes de CO2 en 2019 (5). Holcim est un criminel socioclimatique multirécidiviste : l’entreprise a déjà été condamnée de nombreuses fois pour le nonrespect des lois environnementales et des protections sociales dans les pays où elle sévit (6). L’entreprise, accusée à juste titre d’être un des responsables majeurs du réchauffement climatique, a récemment encore été traduite en justice : quatre indonésiens ont déposé une plainte climatique contre le cimentier, en l’accusant de participer à la montée des eaux et la disparition de leur île (7).

Malgré les multiples promesses de réduction de ses activités polluantes, les intentions réelles de la multinationale ne font aucun doute : continuer de produire du ciment, accumuler les bénéfices, au détriment de toute considération environnementale et sociale, au détriment du vivant. L’entreprise, qui rejetait des camions entiers de matière polluante dans la Seine en 2020 (8), a d’ailleurs réalisé 2 ans plus tard un bénéfice net record de 3,3 milliards de francs suisses (9).

Une génération qui se soulève

Depuis 2018, une génération entière a pris la mesure de la catastrophe environnementale actuelle. Ce sont des milliers de militant.e.x.s qui sont descendu.e.x.s dans la rue chaque mois pour alerter les institutions du désastre climatique, en les exhortant à prendre des mesures rapides et drastiques pour faire changer les choses. En parallèle, des voix de plus en plus nombreuses ont dénoncé la dangerosité de certaines multinationales, telle que Holcim, qui attaquent le vivant et participent activement à la destruction de notre planète.

Un mouvement d’ampleur contre l’entreprise mortifère, accusée de crime contre l’humanité (10), a tenté d’enrayer l’extension de sa carrière sur la colline du Mormont. Des pétitions ont été remises aux autorités, sans succès. Des manifestations de rues ont eu lieu, sans succès. Des actions de désobéissance civile ont eu lieu, sans succès. Une ZAD a occupé la Colline pendant 6 mois, sans succès.

Les autorités sont restées de marbre face aux multiples revendications du mouvement pour le climat. Elles n’ont pas su reconnaître l’urgence du changement climatique, elles n’ont pas su reconnaître qu’une génération entière s’est soulevée face à l’inaction des institutions en matière d’écologie. Il est évident que ce refus obtus et rigide, et la répression des actions publiques ne peut que désespérer les personnes les plus engagées et conscientes des enjeux. Aujourd’hui, ces mêmes institutions ne savent pas reconnaître que les actions de sabotages dont Jérémy* est accusé s’inscrivent dans la continuité de cette lutte qui n’a trouvé aucun écho sérieux au sein de la classe politique.

La répression comme réponse
Les autorités n’ont pas seulement ignoré les revendications du mouvement climat. Lorsque les mobilisations pour le climat ont pris de l’ampleur, elles ont aussi fait le choix de les réprimer.

A Genève, des militant.e.x.s ont été traduit.e.x.s en justice pour dommage à la propriété après avoir peint en rouge le siège de Crédit Suisse ; il s’agit du procès « Mains rouges«  qui a eu lieu en 2020. En 2021, 15 personnes comparaissaient au tribunal durant le procès des « 15 de la Treille » pour avoir participé en mars 2019 à une grève pour le climat durant laquelle les manifestant.e.x.s s’étaient assis.e.x.s sur une rue piétonne. A Zürich, 200 personnes passent devant la justice depuis 2021 dans le gigantesque « Procès des 200 » pour s’être assises sur un pont en 2019.

La ZAD de la Colline a également subi une répression féroce : l’évacuation du Mormont en mars 2021 a constitué l’une des plus grandes opérations policières de Suisse romande depuis les années 2000.

Désormais, c’est un acharnement juridique que subissent les militant.e.x.s, que ce soit par les velléités personnelles de l’exprocureur général vaudois Eric Cottier de poursuivre les zadistes malgré le retrait de plainte d’Holcim, ou par les peines de prison ferme en première instance contre les inculpé.e.x.s ayant refusé de décliner leur identité. Suite à la détention préventive de Jérémy* nous ne pouvons que faire le constat que le mouvement climat se retrouve pour l’énième fois sur le banc des accusés alors que les entreprises qui sont en train de rendre littéralement impossible la vie sur terre voient leurs intérêts protégés par tous les moyens par les pouvoirs publics.

Que Jérémy* ait véritablement participé ou non aux actes de sabotage dont il est accusé, la question est ailleurs. Il s’agit à présent de reconnaître quune génération est en train de se soulever par différents
moyens car elle prend la juste mesure des enjeux environnementaux actuels. En enfermant Jérémy*, la Justice tente de restreindre et de contenir tout un mouvement.
Nous appelons à la résistance et à la solidarité de toutes les personnes qui luttent pour un monde respectueux du vivant et débarrassé des multinationales destructrices.

Le Comité de soutien à Jérémy*

 

Organisations signataires :

– Grève du Climat Genève
– Extinction Rebellion Genève
– Grève du Climat Vaud
– Grève du Climat Fribourg
– Contre-Attaque & Autonomie
– Grondement des Terres
– Semence de Pays
– Les artichauts
– Désobéissance Ecolo Paris
– Breakfree
– La BISE, collectif écoféministe biennois
– MAPC, Mouvement pour une Agriculture Paysanne et Citoyenne

– Ensemble à Gauche Vaud (solidaritéS, DA, S&E)
– Ensemble à Gauche Lausanne
– SolidaritéS Genève
– Jeunesse Solidaire Genève
– Parti Socialiste Genevois
– UniPoly
– Jeunes POP
– Jeunesse Socialiste Genevoise
– Jeunes Vert.es
– Congreso de los pueblos Suisse
– SIT, Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs

– Le Silure
– Maison collective de Malagnou
– Le Nadir
– Secours Rouge Genève
– CRAQ – Collectif Radical d’Action Queer
– Action Antifasciste Genève
– Union Communiste Libertaire Romandie
– Foulards Violets
– Engageons les murs
– Collecti Sud-Global
– Association du Conseil Général
– 8 Mars pour un féminisme révolutionnaire
– Tournoi antiraciste Genève
– Collectif Kiboko
– Antirep-vaud
– Maison occupée du Porno Diesel
– Maison occupée du Solitaire
– CETIM
– Rafale
– SURVAP
– Outrage Collectif

– Zona Mutante
– Le Spoutnik
– Libradio
– Librairie Farenheit
– la Buvette de l’Ilôt 13
– Théâtre de l’Usine
– ULTRAVIOLET.T, Radio/Podcasts féministes – Biel/Bienne

– Nomad Architectes

Signataires en nom propre :

– Dominique Bourg, professeur honoraire UNIL
– Frédéric Choffat, réalisateur de « Tout commence »
– Valérie D’Acremont, médecin et proesseu, UNIL
– Jacques Dubochet
– Mathilde Marendaz, députée Ensemble à Gauche Vaud
– Dr. Jean Martin
– Thibault Schneeberger, secrétaire associatif
– Julia Steinberger, professeure UNIL et rapportrice du GIEC
– Manuella Cattani, militante SIT
– Tiago Branquino, coordination de la Grève pour l’Avenir Vaud, membre de Décroissance-Alternatives Vevey
– Luca Pattaroni, sociologue
– Jocelyne Haller, ancienne députée au Grand Conseil, solidaritéS
– Gabriela Kämpf, municipale de la durabilité, Vevey
– Adrien COLIN, conseiller communal à Vevey, militant à décroissance alternatives
– Johann Dupuis, Conseiller communal, EaG Lausanne
– Marlene Barbosa
– Alain Gonthier, conseiller communal, décroissance alternatives, Vevey
– Sylvain Thévoz
– Martin Malinovski, secrétaire syndical et membre de la commission climat du SIT
– Revillet Janine, membre du SIT
– Irene Schwob, présidente de l’association Samigne Laben pour la formation éco-agricole de jeunes au Burkina Faso, presidente du Mag’grottes (commerce équitable)
– Diego Cabeza, militant et président SIT
– Davide De Filippo, co-secrétaire général du SIT
– Jean-Luc Ferrière, co-secrétaire général du SIT

– Ruth Frauenfelder, militante pour le climat, pour les droits humains
– Geneviève Preti, conseillère en santé sexuelle
– Rachel Horner
– Christine Schilter, militante du SIT, de la Grève pour le Climat, de la Grève pour l’Avenir, de la Marche Bleue, etc.
– Gilles Perfetta, militant anticapitaliste, féministe et écosocialiste
– Cora Jaquet, installatrice en chauffage solaire

– Marco Cichini, historien UNISG
– Rossella Riccaboni, co-directrice du Théâtre du Loup
– Eric Jeanmonod, co-directeur du Théâtre du loup
– Cristina Fereira, sociologue
– Frank Preisewerk, réalisateur
– Nadine Fink, enseignante HEP
– Marie Baronne-Humm, enseignante
– Marta Roca Escoda, sociologue UNIL
– Lola Riccaboni, comédienne
– Isabelle Probst, psychosociologue
– Joseph Chaumont, docteur en neurosciences, administrateur du GIFF
– Jean-Phillipe Stassen, auteur et illustrateur
– Jean-Michel Stassen, directeur d’un dispositif d’insertion
– Bouli Laeners, réalisateur et comédien
– Françoise Pasleau, chargée de recherche et d’enseignement à la retraite, Université de Liège
– Lise Meelbergs, animatrice en école de devoirs
– Milena Jaksic, CNRS
– Marc Chambeau, enseignant à Cardijn (Helha) et membre du bureau du Comité de Vigilance en Travail Social (CVTS)
– Hakim Romatif, relations publiques au festival de Saint-Denis
– Kai Luke Brümmer, acteur
– Lou Stassen, actrice
– June-Lallah Romatif
– Anisia Uzeyman, artiste
– Saul Williams, artiste
– Nancy Huston, écrivaine
– Aloys Lolo, artiste

 

 


(1)
https://www.rts.ch/info/suisse/12169855climatholcimetlonzalesplusgrospollueursensuisse.html#chap02
(2)
https://www.letemps.ch/economie/holcimsetransformeradicalement?check_logged_in=1
(3)
https://www.letemps.ch/monde/asieoceanie/plainteclimatiquecontreholcimunepremieresuisse
(4)
https://www.rts.ch/info/sciencestech/environnement/13238681holcimpoursuivienjusticepoursaresponsabilite
danslacriseclimatique.html

(5)
https://www.rts.ch/info/suisse/12169855climatholcimetlonzalesplusgrospollueursensuisse.html#chap04
(6)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Holcim#Aspects_l%C3%A9gaux_et_environnementaux
(7)
https://www.letemps.ch/monde/asieoceanie/plainteclimatiquecontreholcimunepremieresuisse
(8)
https://www.rts.ch/info/monde/11573322lecimentierfrancosuisselafargeholcimaccusedepolluerlaseinea
paris.html

(9)
https://www.latribune.fr/entreprisesfinance/industrie/biensdequipementbtpimmobilier/entrecessionsetacquisitions
holcimenregistredesresultatsenhausseen2022953141.html

(10)
https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/19/financementdeterrorismelafargepaiepoureteindreles
poursuitesauxetatsunis_6146446_3210.html