Avoir raison trop tôt

Jeremy* n’est pas un tribun. Il n’harangue pas les foules, il se contente d’avoir raison, intelligemment. Mais, bien sûr, il a raison trop tôt.

Je voudrais ici rappeler une de ces illustres personnes qui ont eu raison trop tôt, même si aujourd’hui, des décennies plus tard, il semble évident qu’il avait raison de se battre, malheureusement à contre-courant.

Cinq jours avant son assassinat, Jaurès vient à Lyon, le 25 juillet 1914, pour crier le mélange de tristesse, d’angoisse et d’espérance qui l’étreint à la veille de la guerre : cette guerre qui se profile, et qui, il le sait, va écraser toute une jeunesse et avec elle une partie de l’espérance des peuples. Dans un souci pédagogique, Jean Jaurès expose à son auditoire certaines des causes du conflit mondial qui s’annonce, et l’engage à tout faire pour s’opposer à cette guerre. Cela va devenir un véritable texte de référence à contre-courant

Déjà ce message fort : « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ! ». Ce capitalisme irresponsable, fabricant d’armes, producteur d’inhumanité, tueur sans vergogne d’innocents, victimes de sa propagande.

Jaurès crie à qui veut l’entendre la boucherie de millions de gens, que va être cette guerre mondiale. Mais la presse, les politiques, et donc de braves innocents, croient encore à la guerre « la fleur au fusil », en voulant ignorer les bombes à fragmentation, les tanks, les mitraillettes et le gaz moutarde.

Bien sûr, Jaurès avait raison. Jeremy* et ses compagnons de lutte aussi ont raison. Et le capitalisme et ses tenants leur donnent tort. Les gouvernants, oubliant la mission qui est la leur, se soumettent aux arguments des servants du capitalisme : Holcim-Lafarge, multinationale puissante et intouchable, champion des pollueurs de Suisse, a des arguments autrement convaincants que de sauver ce qu’il reste à sauver de cette planète qui se meurt. Jeremy*, lui, aura à affronter dans 20 ans, ce monde détruit par ce capitalisme irresponsable. Il y a fort à parier que ceux qui le condamnent aujourd’hui seront alors déjà morts, aux innocents les mains pleines.

Et c’est Jeremy* qu’on emprisonne pour des prétextes aléatoires, pour laisser tranquillement prospérer le monde d’hier. Holcim et ses sbires portent en eux la ruine de la planète comme la nuée porte l’orage.

Bernard De Rudder, le 9 mai 2023