Est-ce qu’on ne devrait pas lui en vouloir ?

Intrigués par les autocollants « Free Jérémy » qui fleurissent un peu partout en ville, ma fille et moi avons décidé d’en savoir plus sur cette affaire.

Un peu heurtée qu’on puisse mettre le feu à deux voitures, elle m’a demandé : « Si je faisais cela, est-ce que tu m’en voudrais ? Serais-tu fâché sur moi ? »

Voici ma réponse.

T’en vouloir ? Au nom de quoi ?

Tu sais, si les militant-es font ce genre de choses, c’est parce que nous leur laissons un monde qui va à sa perte, une planète que nous avons été incapables de préparer pour que vous, les générations prochaines, puissiez y vivre une vie harmonieuse, où vous pourriez faire naître et vivre vos enfants, puis vos petits-enfants.

En tant que membre de cette génération, je suis responsable de cette situation. Et, toi, en tant que membre de ta génération, tu reçois de ma part un monde de merde. Un monde dont les actions légales ne parviennent pas à changer la face. Les lois, la justice, la police, les gouvernements, les habitudes de consommation… tout concourt à détruire notre planète. Et tout ce qui permettrait d’éviter le désastre est sapé, détruit, réduit à néant.

Et ces militant-es voient, comme nous, la catastrophe arriver. Ils ne peuvent que constater que les profits que réalisent ces entreprises leur sont si précieux qu’il n’est nullement question pour elles de réduire leur impact néfaste. Alors, ils se demandent ce qu’ils peuvent faire, puisque les élections n’ont servi à rien, puisque les votations pour des initiatives (même modérées) en faveur du climat sont rejetées, puisque les engagements des Nations (même insuffisants) ne sont jamais tenus ; puisque les manifestant-es de plus en plus nombreux ne sont même pas écoutés ; puisque les actions totalement pacifistes n’atteignent aucune cible… Que leur reste-t-il ?

Ils deviennent des saboteurs ! C’est la seule solution que le capitalisme et ses chiens de garde leur laissent.

Donc, ma fille, si je t’en voulais parce que tu étais devenue une saboteuse, parce que tu avais bouté le feu à deux véhicules qui appartiennent à une multinationale très riche qui détruit notre monde, je ferais peser sur toi la responsabilité d’une faute qui est, en fait, la mienne.

Ma passivité fait de moi un complice de ces destructeurs de notre planète !

Hans, le 10 mai 2023